jeudi 2 juin 2011
Appel à candidature pour le GMT "Santé, Société Et Politique: Pour un système de santé (plus) équitable en Afrique"
Le Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (CODESRIA) lance un appel à candidature pour son nouveau Groupe Multinational de Travail (GMT) sur le thème « Santé, Société et Politique : pour un système de santé (plus) équitable en Afrique ». Le GMT est un important programme du CODESRIA qui vise à promouvoir les réflexions multinationales et multidisciplinaires sur des questions intéressant la communauté africaine de chercheurs en sciences sociales. Date limite : 15 aout 2011
Chaque GMT est dirigé par deux ou trois coordonnateurs et comporte un maximum de quinze chercheurs. Deux à trois chercheurs confirmés sont choisis comme évaluateurs indépendants et sont aussi personnes ressources pendant les réunions du Groupe. La durée moyenne d’un GMT est de deux ans pendant lesquels toutes les phases du processus de recherche doivent être achevées et les résultats finaux préparés pour publication dans la Série de livres du CODESRIA. Pour plus de détails sur les GMT et sur les activités du CODESRIA, cliquer ici.
La question de la santé est, depuis quelques années, inscrite comme priorité sur l’agenda intellectuel du Conseil. A travers ce GMT, le CODESRIA cherche à promouvoir, d’une manière plus systémique, une réflexion critique sur la question de la santé en Afrique, et plus spécifiquement, à promouvoir l’intérêt des chercheurs africains pour la recherche multidisciplinaire sur la santé. Cette initiative est partie intégrante du plan stratégique qui met un accent particulier sur la promotion de l’approche des sciences sociales sur la santé en Afrique et sur la pérennisation d’un dialogue structuré entre les sciences sociales et les sciences biomédicales.
La santé : un enjeu de société
La santé est l’une des préoccupations majeures de la société. Sa prise en charge dépasse aujourd’hui largement le cadre de la médecine. Interrogée, la santé renvoie non seulement aux maladies mais aussi, au bien-être physique et psychologique. Elle concerne de nombreux acteurs, et dévoile des intérêts financiers et humanistes antagonistes, entre les lois du marché et le droit à la santé pour tous. Les sciences sociales l’ont logiquement choisi comme l’un de leurs objets d’étude privilégiés.
Il n’est nullement besoin de rappeler la situation critique dans laquelle évoluent certaines régions du monde pour ce qui relève des conditions de vie d’une manière générale et la santé en particulier. Les systèmes de santé, éléments clés de l’architecture des sociétés contemporaines, ne fonctionnent pas aussi bien qu’ils le pourraient et le devraient. Les populations manifestent de plus en plus d’impatience face à l’incapacité de ces systèmes de santé à assurer une couverture nationale répondant à des demandes précises et aux nouveaux besoins. Paradoxalement, il existe suffisamment de ressources dans le monde pour faire face à la plupart des problèmes sanitaires ; mais le fait est qu’aujourd’hui, de nombreux systèmes nationaux de santé sont affaiblis, peu réactifs, et surtout inéquitables. Manifestement, la volonté politique pour mettre en place de solides systèmes de santé dans le but de prévenir les maladies et promouvoir la santé des populations, fait encore défaut.
Pourtant, au sortir de la Conférence d’Alma-Ata en 1978, l’espoir était permis et l’on avait pensé avoir identifié une nouvelle façon de concevoir la santé. La Conférence d’Alma-Ata avait mobilisé des professionnels de la santé, des institutions, des gouvernements, des chercheurs et des organisations de la société civile pour s’attaquer aux inégalités dans la santé « politiquement, socialement et économiquement inacceptables » dans tous les pays. La Déclaration d’Alma-Ata proclamait formellement ses principales valeurs : justice sociale et droit à une meilleure santé pour tous. On avait le sentiment que ces valeurs ne pourraient prospérer qu’au prix de profondes mutations dans la manière dont les systèmes de santé fonctionnaient.
Le rapport sur la santé dans le monde de 2008 produit par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), avait aussi mis l’accent sur l’écart entre les potentialités existantes et les inégalités observées dans la distribution des soins de santé. Même si les populations sont en meilleure santé et vivent plus longtemps qu’il y a 30 ans, les progrès substantiels en matière de santé réalisés ces dernières années ont été profondément inégaux, améliorant la santé dans certaines régions du monde mais laissant dans le même temps, un nombre important de pays en régression. A un niveau global, les systèmes de santé ne sont guère épargnés par le rythme rapide des transformations qui constituent un élément essentiel de la mondialisation. Les crises économiques et politiques remettent en question le rôle de l’Etat et des institutions en matière de garantie d’accès, de prestation et de financement. La marchandisation incontrôlée a ainsi pour effet d’estomper les frontières entre les acteurs publics et privés, tandis que la négociation des droits est de plus en plus politisée. Tout porte à croire que les systèmes de santé tels qu’ils fonctionnent actuellement, ne vont pas dans le sens d’une santé pour tous et se développent dans des directions qui ne contribuent guère à l’équité et à la justice sociale.
Les inégalités demeurent également prégnantes dans de nombreuses situations ; à titre d’exemple, la féminisation de la pandémie du SIDA en Afrique jette un éclairage sur la manière dont les rapports de pouvoir pénètrent le domaine de la sexualité et renforcent la vulnérabilité au VIH. Les thèses les plus communément répandues insistent sur l’inégalité des positions dans les négociations sexuelles, et ce au détriment des femmes. Cette inégalité n’est pas sans lien avec celle des conditions économiques, du capital humain et du statut social. Les inégalités de genre affectent l’ensemble des domaines relatifs aux problèmes de santé : risques et vulnérabilité, accès à la prise en charge et au traitement, impacts de la maladie. La situation et la condition des femmes jouent également des rôles importants dans la construction de réponses aux problèmes de santé.
Il existe aussi, un large consensus international autour du lien entre pauvreté et problèmes de santé. La pauvreté conduit à un pauvre état de santé. Les enquêtes effectuées dans de nombreux pays africains montrent que 20 % de la population regroupant les plus pauvres reçoivent moins de 10 % des subventions publiques en matière de santé alors que 20 % regroupant les plus riches, reçoivent presque 25 %. En fait, la pauvreté pourrait être vue comme indicatrice d’inégalité. Les inégalités de conditions économiques fonctionnent souvent comme étant la base structurelle à partir de laquelle se développent des dynamiques de vulnérabilité à la maladie. Ainsi, l’analyse de la pauvreté renvoie à l’étude des disparités qui elles-mêmes peuvent être analysées dans plusieurs domaines, (disparités régionales, inégalités sociales, disparités de genre, etc.).
Les défis de la santé pour l’Afrique : Vaincre les inégalités
A l’instar d’autres régions du monde en développement, la satisfaction complète et équilibrée des besoins sanitaires constitue un défi de taille pour le continent africain, un enjeu politique et social de premier plan. L’Afrique évolue dans un environnement international extrêmement difficile. La communauté internationale ne fait pas montre d’un soutien actif et peine également à respecter son engagement de consacrer au moins 0,7% de son PIB à l’aide au développement. La plupart des engagements internationaux souscrits par les Etats africains allant dans le sens d’une amélioration de la santé en Afrique ne sont pas respectés. Le constat est frappant : systèmes de santé peu performants et obsolètes, insuffisance et mauvaise gestion des ressources alloués au secteur, manque de motivation du personnel, distribution inégale des ressources existantes, etc.
Il incombe aux chercheurs en sciences sociales de poser un certain nombre de questionnements permettant d’identifier les obstacles majeurs pour avoir un système de santé performant et accessible à tous. Quels sont les principaux défis de la santé en Afrique et quelle est leur importance ? Affectent-ils de manière similaire tous les pays et toutes les populations du continent africain ? Dans quelle mesure est-il possible d’identifier des problèmes ou des enjeux sanitaires à l’échelle régionale ou transrégionale ? Quelle est la pertinence des programmes d’action régionaux ? Quelles ressources utiliser et dans quelles circonstances les utiliser ? Quel type de soins et de services privilégier ? De quelle manière les différents groupes sociaux, voire chaque individu, pensent leurs santé et celle des autres ?
La problématique générale de la santé en Afrique peut être appréhendée à travers le prisme du couple intégration / marginalisation censé représenter les performances et les contradictions qui caractérisent la tentative d’alignement du continent africain sur les directives internationales. Les premiers programmes de santé en Afrique ont fait leur apparition durant l’époque coloniale et visaient d’abord à protéger et soigner les administrateurs coloniaux, les militaires puis les colons. Ces options de santé publique par ordre de priorité politique et économique, concernaient autant le paludisme que les maladies vénériennes. Près d’un siècle plus tard, l’entrée dans la troisième décennie de la pandémie du SIDA semble tracer certains des contours de cette biopolitique planétaire ; la problématique effective de l’accès aux antirétroviraux (ARV) en Afrique a d’abord concerné les grandes entreprises. La mortalité des cadres et des employés de ces sociétés fut jugée plus coûteuse que la prise en charge des travailleurs. Pour lutter contre cette prégnance épidémiologique et politique, les organisations internationales, prescrivent des directives et des politiques publiques aux Etats membres ; ces prescriptions verticales dans des Etats aux situations différentes produisent des configurations qui alternent des perspectives encourageantes et des dissonances significatives. Si l’on considère que les politiques contre le SIDA en Afrique représentent un « modèle dissonant de politique publique » du fait de la verticalité des initiatives et de la relative déconnexion entre communautés et Etat dans les systèmes de santé en Afrique, les ripostes contre les autres grandes endémies ne sont pas en reste. C‘est, en définitive, la question de la régulation politique et économique des systèmes de santé en Afrique qui se pose, pour le bénéfice du plus grand nombre, sans faire imploser les systèmes publics de santé déjà mis à mal par les crises budgétaires des Etats. L’on peut donc affirmer que les systèmes de santé en Afrique portent encore le lourd héritage des paradigmes et des rapports politiques dans lesquels s’est construite la médecine coloniale. De même, l’Afrique demeure toujours marginalisée dans la réflexion théorique et opérationnelle sur la santé. Une analyse détaillée des productions intellectuelles dans lesquelles sont construites les visions globales des problèmes de santé laisse apparaître le fait qu’elles intègrent très peu de discours émanant du continent. Ainsi, la recherche épidémiologique et les interventions de santé publique semblent être dominées en Afrique par des modèles et théories qui ont fait leurs preuves dans des contextes différents (aux Etats- Unis en particulier). Manifestement, la question des différences philosophiques entre les systèmes de santé n’a toujours pas été abordée, voire résolue.
Il demeure essentiel de bien comprendre les principaux enjeux que soulève la question de la santé. Les universités africaines, censées être de puissants vecteurs de la recherche sur les questions de santé, ne semblent pas en mesure de mener la réflexion critique sur les connexions entre les contextes socioéconomiques et politiques et les problèmes de santé. Ainsi l’enseignement de la dimension sociologique de la maladie et le discours philosophique sur la santé constituent des domaines extrêmement marginalisés en Afrique. La recherche en sciences sociales portant sur les questions de santé en Afrique devrait se positionner dans la réflexion en cours articulant la santé et le développement. Cela revient à bien cerner l’impact des problèmes de santé sur le développement et les conséquences sanitaires et épidémiologiques des choix de développement. La recherche sur les problèmes de santé ne pourra se développer que si les approches interdisciplinaires permettent à la fois de construire des repérages épidémiologiques et d’interroger les contextes socioéconomiques et politiques. La recherche doit entreprendre une analyse des politiques de santé à la fois au niveau de leur histoire et de leur cohérence interne, et au niveau de leur impact sur les populations africaines.
Domaines thématiques proposés pour la recherche
Des propositions de recherche sont attendues sur les questions spécifiques suivantes :
i) Systèmes et politiques de santé en Afrique
ii) Equité, droit à la santé et inégalités sociales
iii) Sécurité sanitaire et situation des personnels de santé
iv) Santé, environnement et développement en Afrique
v) La recherche au service de la santé : théories, critique des approches et définitions
vi) Montée en puissance des cultes de guérison
vii) Pratiques médicales, nouvelles technologies et enjeux de la bioéthique
viii) Réglementation et commercialisation des médicaments
ix) Changements démographiques et impact sur les schémas pathologiques
x) Dépenses de santé : enjeux financiers, juridiques et éthiques
xi) Le marché de la santé : acteurs, mécanismes, modes de régulation
Le CODESRIA lance un appel pour la soumission de propositions de recherche sur une des thématiques mentionnées ci-dessus, ou sur des questions connexes qui ne sont pas explicitement identifiées dans cette annonce mais qui se rapportent au thème dans un contexte régional, national ou sous-régional. Les auteurs des propositions sélectionnées seront invités à participer au GMT du CODESRIA. Les propositions de candidatures doivent comprendre :
1. Un énoncé clair de l’objectif du projet et de la problématique à étudier ;
2. Une revue complète de la littérature sur le sous-thème choisi ;
3. Une description de la méthodologie qui sera utilisée ;
4. Un calendrier de travail détaillé ;
5. Un budget estimatif ;
6. Les curriculum vitae des auteurs ne doivent pas excéder 20 pages ; Police : Times New Roman ; Taille : 12 ; interligne simple.
Toutes les propositions devront être reçues au plus tard le 15 aout 2011. Elles seront soumises à un processus d’évaluation dont les résultats seront connus au plus tard le 15 septembre 2011. Les candidats sélectionnés seront invités à participer à un atelier méthodologique de lancement qui aura lieu durant le dernier trimestre de 2011. Les candidatures devront être envoyées à l’adresse suivante :
GMT sur « Santé, Société et Politique en Afrique »
Programme de la Recherche, CODESRIA,
Avenue Cheikh Anta Diop x Canal IV
BP : 3304, Dakar, CP : 18524, Sénégal
Tél. : +221 33 825 65 97/33 864 01 39
Fax : +221 33 824 12 89/33 825 66 51
Courriel : mwg@codesria.sn
Source : http://www.codesria.org/
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