Premier numéro thématique sur :
HUMANITÉ(S) ET PARDON
Bindedou Yoman Justine, Maître-Assistante au Département de Philosophie de l'Université de Bouaké |
Argumentaire
Les dernières décennies sont marquées, à divers endroits, par des conflits d’une horreur invraisemblable, avec des méthodes meurtrières d’une cruauté inouïe. Du Liberia à la Libye, en passant par le Rwanda, la Sierra Léone, la Côte d’Ivoire, la Guinée, la Tunisie, l’Égypte, l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie, le Yémen, le Soudan, la frontière israélo-palestinienne, la Roumanie, la Norvège et la Grande Bretagne, etc., des affrontements sanglants, des émeutes et des actes de terrorisme, aussi bien individuels que collectifs, témoignant d’une intolérance profonde, semblent remettre en question la sociabilité naturelle de l’homme dont parlait Aristote. N’est-ce pas bien là aussi l’évidence de l’insociable sociabilité exprimé par Kant ?
Somme toute, le contexte actuel du déploiement multiforme de la violence atteste la chute de l’humain dans l’inhumain, voire dans la bestialité pure. Les exécutions sommaires qui accompagnent généralement ces conflits, les mutilations en Sierra Léone, au Libéria comme stratégie de guerre, "l’article 125" apparu dans la crise postélectorale en Côte d’Ivoire, et qui stipule : « pétrole 100 F, allumette 25 F, pour brûler vif le suspect » ; l’auto-immolation par le feu, en Tunisie et en Égypte ; le pillage et les destructions d’édifices en Angleterre, la résurgence du racisme et du fondamentalisme religieux montrent que l’Humanité est devenue incapable de gérer pacifiquement ses contradictions internes.
Ainsi, l’Humanité est en crise parce que notre humanité est elle-même en crise. Tout bien considérée, cette crise de l’Humanité est indissociable d’une crise des Humanités. En effet, tout laisse croire que l’essor des sciences en général, ainsi que le relevait Jean-Jacques Rousseau, pervertit non seulement l’homme, mais aussi et surtout détruit son milieu de vie. Le changement de regard de l’homme vis-à-vis de son prochain et la modification des rapports de l’homme avec la nature, dans un monde en pleine mutation, en font foi.
La crise de l’humain, de l’humanité se trouve affirmée, sans conteste, dans l’expression de sa finitude, à travers les multiples cris de déchirements (violence, vengeance, haine, racisme, égocentrisme, etc.) Et lorsque, dans ces tourbillons vertigineux qui déterminent la contingence de son existence, notre humanité est rappelée à son essence, à partir de la voix de l’Être (au sens heideggérien), pense-t-on généralement trouver le chemin du retour dans les commissions "Dialogue, Vérité, Justice, Pardon et Réconciliation". Mais, ces commissions qui n’ont pas forcément une coloration politique, se révèlent souvent comme des pansements superficiels sous lesquels couvent des infections encore plus préoccupantes, comme des creusets générateurs de replis identitaires, de chaos social et d’injustice.
Comment, dès lors, expliquer cette crise de l’humain, cette résistance à la voix éclairante de l’humanité là où l’on parle de plus en plus d’intégration des peuples, de mondialisation et de droits de l’Homme ? Pourquoi ce primat de la violence sur la paix ? L’humanité serait-elle devenue incapable de pardonner ? Le pardon serait-il l’arme des faibles ou reste-t-il une exigence de grandeur d’âme ? D’une différence ontologique, au sens d’une différence d’être entre l’homme et les autres êtres, le Pardon ne demeure-t-il pas l’insigne marque de l’humanité ? L’humanité ne se traduirait-elle pas dans l’effort des individus, en dépit des frustrations et horreurs commises ou subies, à se dépasser, se décentrer et tendre ainsi vers l’autre dans la congédiation de ce dont nous avons été l’objet ou dans l’acceptation de nos différences ? Que court, en ce sens, une humanité qui ne reconnaît plus la noblesse du Pardon ? Quelle part donner aux Humanités pour redorer le blason d’une Humanité de plus en plus méconnaissable ? Comment réconcilier la science avec celle-ci ? Du reste, est-il toujours possible, pour des hommes engagés dans un destin commun, dans un "village planétaire", de surmonter les voies avilissantes au profit d’attitudes anoblissantes ?
Toutes ces questions, au regard de l’acuité avec laquelle elles se posent, dénotent l’urgence à consacrer une place de choix à la réflexion. Cette réflexion, que nous voulons transdisciplinaire, se doit d’être originale. Ainsi, partant des différentes orientations du penser, Perspectives Philosophiques recherche de pertinentes contributions desquelles elle attend un examen approfondi de cette problématique fondamentale articulée autour des axes suivants :
1 – Sociétés, Crise identitaire et Pardon ;
2 – Conflit inter-religieux et Pardon ;
3 – Sciences, Crise environnementale et Réconciliation.
NB :
- Les contributions sont reçues jusqu’au 31 Mars 2012, à l’adresse suivante : revueperspectivesphilo@yahoo.fr
- Pour le protocole de rédaction ou instructions aux auteurs, consulter le site suivant : www.ripsh.org ou www.bouakephilo.net
- Tout contributeur doit s’acquitter d’un montant de 25 000 F CFA comme droit d’instruction de l’article.
Le comité de rédaction